samedi, 22 mars, 2025

LA CMDT EN SITUATION CATASTROPHIQUE:la campagne cotonnière 2023-2024 peut-elle être sauvée?

Rien n’est moins sûr à présent. Le dernier conseil d’administration du fleuron de l’économie malienne, tenu ce début février 2023 dans le cadre pittoresque de l’hôtel de l’Amitié de Bamako a été tout simplement un doucereux moment qui a permis de révéler une perte de 15,269 milliards de francs CFA. Au même moment, on dégage, brinquebalant, la perspective nouvelle (produits) de 534,222 milliards de francs CFA contre 376,361 milliards de francs CFA de l’année dernière, 2022, soit une hausse de 42% tandis que les charges sont chiffrées à 549,491 milliards de francs CFA contre 372,691 milliards en 2022, soit encore une hausse de 47%. Mais au travers du vertige des chiffres, des économistes et autres citoyens avisés soucieux de la chose publique ont décelé la ruse pour tromper la perspicacité des plus hautes autorités de la transition. Il s’agit, tout simplement, d’un déficit de plus de 15 milliards pour le malheur d’une entreprise hautement importante que l’Etat a subventionné dans la douleur afin qu’elle puise entraîner avec elle toute l’économie nationale vers le haut.

Au sortir du fameux conseil d’administration de la semaine dernière, l’étonnement et l’effarement ont été les sentiments dominants chez nos compatriotes au regard des résultats affichés. Sur les réseaux sociaux, les commentaires n’ont guère incité à l’espoir. « Que Dieu sauve la CMDT ! » « Un déficit de 15 milliards habilement maquillé même si on l’a mentionné ! C’est de la haute ruse, ça ! » « 42% et 47%, que faut-il réellement lire ? L’expression colorée de la chute en enfer ? » Pour l’ensemble des intervenants, c’est-à-dire ceux qui se sont donné la peine d’opiner, le conseil d’administration de la CMDT s’est déroulé dans un cafouillage et un maquillage effarant, tout ayant été biaisé à l’avance. Ce ne fut pas une occasion de vérité et de sincérité, ce fut un moment de matraquer la conscience des décideurs plus haut. Or, la tromperie en la matière, se paie toujours cash.La ruse est allée si loin alors qu’en réalité aucun chiffre officiel n’est encore disponible. Ce qui laisse comprendre, pour les doués de la gestion, qu’il faut s’attendre à une baisse de la production. Autrement dit, après avoir caracolé en peloton de tête l’année dernière, la CMDT se trouve indéniablement dans la catastrophe. La direction du géant cotonnier est tout simplement incapable de donner des résultats. Commentaire d’un observateur : « Tout cela est honteux, non! Dans un pays sérieux, un tel comportement de gestion est vite blâmé et sanctionné. » Et d’ajouter : « Imaginons pareille situation au temps des Boubacar Sada SY et SoumaïlaCissé qui étaient convaincus que le Mali ne peut pas vivre sans le coton ! » Les deux doivent se retourner dans leurs tombes maintenant.

Le mal est profond. De là à soupçonner une volonté inavouable d’enflammer le pays pour des intérêts sordides effrénés, certains commentateurs ont franchi allègrement le pas. « Est-ce que la fonction managériale du PDG ne doit pas être remise en cause ? Des gens qu’on a vus à l’œuvre et à qui on demande encore de gérer une grosse boîte stratégique comme la CMDT ! », s’indigneun haut cadre, politique de surcroit. Insidieusement, celui-ci évoque le passé de NangoBerthé, un politicien du sérail RPM dont on connaît la gestion catastrophique des entités économiques et de l’Etat, aujourd’hui PDG de la CMDT. Au point qu’un autre posa la question de savoir si le problème, c’est Nango ou le département de tutelle ? Ou même la pluviométrie ? »Un autre répond sans hésitation : « Cette gestion calamiteuse, c’est Nango Dembélé, un Monsieur imbu de sa personne inutilement fier et hautain. Ce n’est personne d’autre ». En attendant, le temps presse. La campagne prochaine, c’est dans trois à quatre mois ; les semis doivent commencer. Mais les producteurs de coton, dont nous avons rencontré les plus représentatifs, sont formels : « Nous ne cultiverons pas le coton cette année si les plus hautes autorités maintiennent Nango Dembélé à son poste en sachant bien la politique désastreuse qu’il y mène. L’Etat ne peut nullement nous contraindre à produire alors même que les prémisses de l’échec sont visibles de tous… » Autant dire qu’il n’y aura pas de campagne cotonnière 2023-2024, au grand dam des producteurs, mais surtout de l’Etat.

Nango Dembélé, le prestidigitateur du bonneteau CMDT

La subvention accordée à la CMDT n’aura donc servi à rien d’autre qu’à créer les conditions de la déconfiture de la grande entreprise malienne. Un économiste, qui connaît bien la question, résume la situation en quelques formules : « Au vu des chiffres ( ?) du dernier conseil d’administration de la CMDT, je dirai que la boîte est devenue un gigantesque bonneteau. Un bonneteau est un jeu de hasard et d’escamotagequi se joue avec trois cartes ou avec trois gobelets. Or, escamoter demande de l’habileté puisqu’il s’agit de faire disparaître quelque chose adroitement ou frauduleusement sans que l’on (l’autre) s’en rende compte. Les trois cartes ou les trois gobelets, pour ce qui nous intéresse, c’est Nango Dembélé (le prestidigitateur qui manipule la carte), Colonel AssimiGoïta (le Président de la Transition incarnant la plus haute autorité gardienne du bien public) et les Maliens (en tant que propriétaires de la CMDT). J’ai suivi les explications embrouillées de Nango. Il dit dun’importe quoi, dans une confusion délibérée. Après exercice, comment combler le déficit ? La mise en place de l’engrais se fait au moment de l’évacuation du coton graine. Or, la campagne est finie alors qu’ils n’ont pas mis en place 50 % de leurs besoins en engrais, ce qui va occasionner des transports spéciaux. Il faut s’attendre conséquemment à des tensions de trésorerie, contrairement aux assurances trompeuses que Nango s’est cru devoir servir au peuple, qui n’est pas naïf, puisqu’il y a bien des gens qui savent lire et analyser… Le plus grave est qu’il semble bien vouloir faire croire que ce sont les paysans s’opposent à l’Etat. C’est un manège qui peut bien tromper le Président de la Transition et son Premier ministre, mais la vérité est qu’au double plan économique et politique, ce sont indéniablement les paysans qui ont la réalité du terrain. La preuve est que, malgré toutes les manigances en cours, les représentants des producteurs que Nango Dembélé ne veut pas sentir sont régulièrement élus. J’imagine que ce serait le cas tout au long de la crise artificiellement créée par la direction actuelle de la CMDT. » Comme on le voit, Colonel AssimiGoïta et Dr. ChoguelKokallaMaïga sont devant un dilemme cornélien : faire remplacer un capitaine d’industrie défaillant ou s’aliéner le soutien des producteurs de coton de qui dépend la réussite de la campagne à venir et qui ont une réelle prise sur l’électorat. « La zone cotonnière, concentre le plus grand potentiel électoral du Mali, une zone à choyer par des dirigeants avisés », disait un politicien du milieu des années des années 90, qui a gravi bien des escaliers politiques.

Les quatre filiales de la CMDT sont orphelines

Nul doute, pour les producteurs de coton qui ont bien voulu échangé avec nous, la direction de la CMDT est dans un jeu dangereux. Il n’appartient pas à Nango Dembélé de choisir qui les paysans doivent choisir, on ne peut gérer une boîte aussi importante par humeur, qui j’aime et qui je ne veux pas voir. C’est de l’inconscience. Le péril est tel que le Mali ne peut, de nos jours, prétendre qu’au  4èmerang en 2023-2024,  après le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun et la Côte d’Ivoire si les paysans cultivaient du coton cette année. A la question de savoir si les autorités accédaient à leur demande, la campagne sera-t-elle pour autant sauvée ? «  Nous avons l’expertise avérée, l’expérience nécessaire. Nous l’avons prouvé l’année passée, nous l’avons promis au Président Goïta et nous l’avons fait. Il est venu à la fête du coton à Koutiala… » Malheureusement, pour les élections au niveau des secteurs et de la confédération, Nango est dans les manœuvres de déstabilisation.Le 22 décembre 2022, la grande Assemblée à Bamako a regroupé 35 délégués sur 42 aux fins de mettre en place le bureau de la confédération. Auparavant, le 5 octobre, l’élection pour les 17 postes avait donné : 12 pour le CA et 5 pour le CS. Alors qu’il ne restait que quelques postes à pourvoir, la séance a été brutalement interrompue par l’irruption dans la salle d’agents de sécurité qui ont amené avec eux le président de séance, Souleymane Fomba. Le processus reste à ce jour bloqué, arrêté qu’il est  au cinquième poste d’un bureau de 17 membres. Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, même ce bureau inachevé fait l’objet de plaintes pour dissolution par le fait des manœuvres de Nango Dembélé. La CMDT, il faut le savoir, brasse plus de 1000 milliards, une véritable vache à lait pour qui s’en empare. C’est le cas aujourd’hui. Des agissements suspects y sont donc légion depuis Nango Dembélé a pris la tête de l’entreprise en 2020. Entre autres méfaits, tous les fournisseurs traditionnels d’intrants ont été éliminés cette année. Les quatre filiales, selon le découpage de la CMDT, se trouvent orphelines par le manque d’intérêt que la direction doit leur témoigner. Par exemple, il y a deux missions essentielles (la physionomie de la campagne en début très attendue par les paysans et le démarrage de la campagne d’égrenage) auxquelles les différents PDG de la CMDT ont toujours accordé une importance particulière et que les paysans ont toujours attendues avec fébrilité. Sauf Nango, au grand désappointement des producteurs.

Conséquences de toute cette mal-gouvernance dans l’entreprise, nombre d’huileries risquent d’être fermées bientôt et les filateurs aussi sont dans le désespoir, dans l’angoisse de mettre les clés sous le paillasson. C’est le moindre mal pour eux. Sinon, ils doivent faire face à des contentieux judiciaires, en plus de payer des agios inutiles aux banques auprès desquelles ils ont contracté des crédits, acquitter des remboursements d’autres natures, etc. Comparaison n’est pas raison, mais en regardant le Bénin en face, il y a de quoi s’interroger et d’être jaloux, voire écœuré. Le Bénin égale la superficie de la région de Ségou ; il a commencé la culture du coton il y a peu, bien après le Mali. Mais aujourd’hui, il y a 5 usines au Bénin, dans un rayon de 45 kilomètres autour de Cotonou, la capitale. Mais Nango Dembélé n’a souci que de lui-même. En lieu et place de Souleymane Fomba dont le mandat est fini et qui n’a pu conduire le processus à sa fin à cause des multiples entraves, a fait nommer récemment comme mandataire M. Abdoulaye Diarra, ancien cadre de la CMDT, qui a été conseiller spécial de Souleymane Fomba. Précision qui vaut son pesant d’or, le sieur Abdoulaye Diarra a été admis à la retraite en 2021 seulement, nommé mandataire le 09 décembre 2022 par ordonnance gracieuse. C’estl’homme de Nango, qui vient à son tour de nommer Ousmane N. Traoré, directeur de la production agricole, fraîchement admis aussi à la retraite. Pourquoi tant de valses en promouvant des proches admis à la retraite et nommés par ordonnance gracieuse quand bien même tout le monde sait que la campagne cotonnière de cette année ne pourra pas être sauvée par de telles manoeuvres ?

Didi DembaTandjigora

Luc Sidibé

Source : journal Le National, n° 506 du lundi, 13 février 2023

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