Il ne s’agit pas à présent d’encenser ou de vilipender le maréchal Louis Hubert Lyautey, figure emblématique dans l’histoire militaire française et ô combien visage tutélaire de la colonisation pour le compte de la France. Mais il semble bien que le monde est dans un nouveau tournant historique où l’Afrique se trouve encore au cœur des convoitises, entre choisir d’être elle-même ou céder aux tentatives et aux tentations visant à la morceler, jusqu’à l’anéantissement de son identité propre. Chef militaire de haut vol, administrateur colonial sans état d’âme comme l’exigeait cette fonction, le maréchal Lyautey, à qui l’on prête la phrase « Servir, servir toujours, les yeux fermés et la bouche close, c’est le verbe fondamental de notre catéchisme de soldat », a eu nous concernant, nous les Africains, une formulation qui s’invite dans le présent. Il a en effet dit : « Les Africains ne sont pas inférieurs, ils sont autres »/ Paroles énigmatiques dont l’explication appartient à chaque époque. Un temps, l’on a soutenu que c’était sa façon toute martiale de souligner les identités culturelles, une conception alors marginale. Son jugement-ci a été émis, il faut le savoir, après la première Guerre mondiale qu’il avait qualifiée comme étant « la plus monumentale ânerie que le monde ait jamais faite ». Cet épisode douloureux, faut-il le rappeler, s’est déroulé sur la terre d’Europe, quelques trente ans après la conférence de Berlin (1884-1885), entre Européens, Allemands et Français notamment, les seconds ayant entraîné dans la sanglante spirale les Africains enrôlés par la force dans leurs armées, pour sauver leur empire ; les Africains ont simplement servi de chair à canon et de pare-balles. A peine vingt et un ans après, la deuxième Guerre mondiale était engagée, sur le même théâtre. Les Français, qui « n’ont pas de profondeur stratégique » (expression du Président général Tiani, sont à nouveau dépassés par les allures guerrières des nazis et même pas Paris n’a pas échappé à l’occupation allemande. Le monde entier se bat pour libérer la France, les intrépides soldats africains, qui ont payé le plus lourd tribut, ne seront pas visibles parmi les vainqueurs à la libération de Paris !
« Les Africains ne sont pas inférieurs, ils sont autres ». C’est quoi ce « autres » ? Aux indexés de le définir, avec conscience et hardiesse. Ce « autres » a été lu comme expression de mépris, de banalisation, de dévaluation humaine durant des siècles, Jules Ferry et les écrivains du XIIIème siècle, siècle dit des Lumières, et même la cohorte impertinente du XXème siècle incarnée par des baveurs de venin sur l’Afrique comme Victor Hugo, dans leurs œuvres. Et voilà le plus impertinent des présidents de la Vème République française, Nicolas Sarkozy, qui arrive en terre africaine de Dakar où siégeait le Gouverneur général de l’Afrique Occidentale Française (AOF, pour nous asséner une volée de bois vert : « L’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire… » Et encore, le plus arrogant des présidents de la Vème République française, Emmanuel Macron « le Petit », qualifie le Président général Tiani, en vient à insulter nos mères, nos sœurs, nos épouses et nos filles, le creuset de notre humanité, pour leur fécondité qui ne permettra aucun développement sur notre continent. Propos impolis s’il en est, qui montre que nos relations avec la France, l’Europe et l’Occident tout entier, n’est jamais pour nous assurer le bonheur et le bien-être. D’où la perspective évoquée par le général François Lecointre, ancien chef d’état-major des Armées françaises, de tout mettre en œuvre pour nous recoloniser dans les dix à trente à venir. D’où aussi cette exhorte du président de la Transition malienne, général Assimi Goïta, de se tenir prêt à toutes les éventualités, la guerre contre les prédateurs envahisseurs sera de longue durée, douloureuse, mais il faut tenir en s’adaptant à toutes les phases cruelles qui seront déclenchées. L’ennemi est sans foi, ni loi, nous le savons. C’est déjà 50% de nos capacités de résilience, de riposte et de la détermination de triompher.
Amadou N’Fa Diallo
Source : journal Le National n° 728 du vendredi, 17 octobre 2025.