Depuis l’annonce par le gouvernement de la tenue de consultations avec les Forces vives de la Nation et les Maliens établis à l’étranger dans le cadre de la relecture de la Charte des partis politiques, les partis, jusque-là absents des grands débats sur l’avenir du pays, sont soudainement sortis de leur silence. Réunions officielles, conciliabules secrets et conférence de presse. Ils ont exprimé leur rejet du processus et sont même allés jusqu’à menacer les autorités de la Transition.
« Gouverner sans consulter, c’est naviguer sans boussole », dit-on. Fidèles à ce principe, les autorités de la Transition, depuis la « rectification » du processus conduite par le Général d’Armée Assimi GOÏTA, en mai 2021, ont fait du dialogue inclusif une priorité. Plusieurs rencontres majeures ont été organisées, impliquant l’ensemble des composantes de la société malienne, y compris la diaspora. On peut citer, entre autres, les Assises nationales de la Refondation (ANR) du 15 au 21 novembre 2021, ou encore le Dialogue inter-malien pour la paix et la réconciliation, mené à la fois dans les régions, les ambassades et lors de sa phase nationale l’an dernier.
Loin de traduire une quelconque incapacité à décider, ces consultations démontrent plutôt la volonté des autorités de rassembler les Maliens autour d’un projet commun : bâtir un avenir meilleur pour le pays. En effet, malgré un contexte sociopolitique et sécuritaire tendu, l’histoire du Mali nous enseigne que le dialogue fait partie intégrante de notre patrimoine. Le pays puise ses racines dans une civilisation ancienne, riche de mécanismes de médiation et de concertation : la Charte du Manden, les dialogues intercommunautaires, la Conférence nationale de 1991, ou encore les concertations régionales et locales en sont autant de témoignages.
Dans cette dynamique, le Conseil des ministres, réuni en session ordinaire le mercredi 9 avril 2025 au Palais de Koulouba sous la présidence du Général d’Armée Assimi GOÏTA, a été informé par le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Réformes politiques et du Soutien au processus électoral, du lancement officiel de la consultation des Forces vives de la Nation et des Maliens établis à l’étranger. Cette initiative s’inscrit dans la mise en œuvre des recommandations issues des Assises nationales de la Refondation, dans le cadre de la relecture de la Charte des partis politiques.
Selon le ministre, cette consultation se déroulera en deux phases. La phase régionale des concertations se tiendront les 16 et 17 avril 2025 dans les 19 régions, le district de Bamako, ainsi que dans 49 ambassades et consulats à l’étranger. La phase nationale, prévue les 28 et 29 avril 2025 à Bamako, regroupera les délégués des régions, du District de Bamako et de la diaspora malienne.
L’objectif est de débattre des propositions émanant des partis politiques et de la société civile, afin de formuler des recommandations concrètes pour la mise en œuvre des orientations issues des ANR.
Pourtant, à peine cette annonce rendue publique, des partis politiques, invisibles depuis des mois, sont montés au créneau. Ils appellent leurs militants à la mobilisation… mais contre quoi exactement ? Pourquoi rejeter une concertation ouverte à tous ? De quoi ont-ils peur ?
Cette sortie survient peu après l’incident diplomatique lié à l’abattage d’un drone de l’armée malienne par l’Algérie à Tinzaoutène. Plutôt que de s’unir pour défendre les intérêts nationaux et répondre à cet affront, nos hommes politiques préfèrent cibler les autorités de la Transition, qui ne font pourtant qu’appeler au dialogue. Lors d’une conférence de presse tenue le mardi 15 avril 2025 à la Maison de la presse, ils ont d’ailleurs élargi leur critique à d’autres sujets sans lien direct avec la relecture de la Charte des partis politiques. Me Mountaga Tall, dans une déclaration, a affirmé : « Il se murmure, de sources bien connues, que ce processus viserait à dissoudre ou du moins suspendre les partis politiques, comme cela a été fait au Burkina Faso et au Niger. »
Faut-il donc se fier à des rumeurs pour remettre en cause une initiative nationale ? Depuis son investiture, le Président Assimi GOÏTA, bien qu’ayant une large légitimité, n’a jamais imposé de décisions unilatérales. Il est resté ouvert au dialogue, tout en maintenant fermement les trois principes fondamentaux qui guident la Transition. Il s’agit du respect de la souveraineté du Mali, du respect des choix stratégiques et de partenaires opérés par le Mali et de la défense des intérêts vitaux du peuple malien.
En revanche, il est peu honorable de rejeter une concertation en posant des conditions au gouvernement. Ailleurs, de telles initiatives sont accueillies favorablement. Elles permettent aux partis d’évaluer leur poids auprès de la population, de faire valoir leur vision et de renforcer leur légitimité. Mais visiblement, nos hommes politiques, doutant d’eux-mêmes, cherchent à bloquer ces rencontres pour mieux se poser en victimes… auprès du même peuple auquel ils veulent interdire la parole.
Mais au fond, que redoutent vraiment ces partis politiques ?
Peut-être que la réponse se trouve ailleurs. Car il est tout de même curieux de voir que ceux qui dénoncent aujourd’hui un supposé « complot » contre les partis sont, pour la plupart, eux-mêmes impliqués dans des affaires de détournement de fonds publics, encore enfouies ou en cours de traitement. Ce sont ces mêmes figures qui, pendant plus de trois décennies, ont bénéficié de milliards de francs CFA issus du Trésor public, officiellement destinés à la formation du peuple à la démocratie, aux valeurs républicaines, et à la compréhension du rôle des partis politiques dans la gouvernance.
Or, les voilà aujourd’hui à affirmer que les Forces vives de la Nation, ce même peuple qu’ils étaient censés éduquer, ne seraient pas « assez outillées » pour discuter de la Charte des partis politiques. Quelle ironie ! N’est-ce pas là un aveu d’échec de leur propre mission ? Ou bien, pire encore : ont-ils simplement détourné ces fonds à d’autres fins, sans jamais réellement former la population ?
La question mérite d’être posée : ont-ils peur du peuple qu’ils ont soi-disant formé ? Redoutent-ils que ce dernier, désormais plus conscient, leur demande des comptes sur l’usage de ces financements ? Il serait peut-être temps, pour ces acteurs politiques, d’expliquer concrètement ce qu’ils ont fait de l’argent public qui leur a été confié pendant toutes ces années. Tant qu’ils ne le feront pas, leur opposition à toute initiative populaire ou concertation ouverte semblera davantage motivée par la crainte d’être rattrapés par leurs propres contradictions que par un réel souci de démocratie.
Pourquoi s’unir à nos voisins ennemis ?
Selon des sources bien informées, après plusieurs revers, tant sur le plan national qu’international, certains acteurs politiques seraient désormais déterminés à déstabiliser le pays. Un pays déjà confronté à la lutte contre le terrorisme, à la criminalité organisée, et à des pressions régionales, notamment de la part de l’Algérie et d’autres pays qui souhaitent voir le Mali redevenir un État faible. « Après la conférence de presse de mardi dernier, certains opposants sont attendus à Alger. Pour quoi faire ? On l’ignore. Mais tout laisse à penser qu’il s’agit d’une démarche allant à l’encontre des intérêts du Mali et de ses Forces armées », nous confie une source proche du dossier.
(Correspondance particulière)