(LETTRE D’AFRIQUE) Cette semaine, l’Éthiopie a marqué une étape significative et historique dans son processus d’ouverture économique en lançant sa bourse des valeurs, un événement qui pourrait transformer le paysage économique du pays. Selon les autorités locales, ce développement stratégique s’inscrit pleinement dans la vision du Premier ministre Abiy Ahmed, qui œuvre sans relâche à intégrer davantage l’investissement privé au sein de l’économie éthiopienne, souvent considérée comme l’une des plus prometteuses d’Afrique. Cette initiative, qui vise à stimuler la transparence et la confiance des investisseurs, pourrait également inciter d’autres nations africaines à suivre un modèle similaire, créant ainsi un élan vers une intégration économique régionale.
Tilahun Kassahun, le directeur général de l’Ethiopian Security Exchange (ESX), a exprimé un optimisme palpable quant à l’adhésion future de 90 sociétés dans les dix années à venir, un objectif ambitieux qui témoigne de l’enthousiasme suscité par cette nouvelle initiative. Toutefois, il est important de noter qu’à l’heure actuelle, seule la Wegagen Bank a été cotée, bien que l’entreprise publique de télécommunications Ethio Telecom se prépare activement à rejoindre le marché, un développement qui pourrait transformer le secteur des télécommunications et, par extension, dynamiser l’économie numérique du pays. La présence d’Ethio Telecom sur le marché pourrait également encourager d’autres entreprises du secteur technologique à entrer en bourse, contribuant ainsi à diversifier les investissements sur le marché.
L’Éthiopie, qui est la deuxième nation la plus peuplée d’Afrique avec près de 130 millions d’habitants, possède une histoire complexe et tumultueuse en ce qui concerne les marchés boursiers. En effet, la première bourse des valeurs du pays fut créée dans les années 60 et 70, mais a été fermée après le coup d’État militaire socialiste de 1974, qui a mis un terme à la monarchie et a plongé le pays dans une période d’instabilité. Cette histoire politique, lourde de enjeux, continue d’influencer la perception des investisseurs, qui restent prudents face aux incertitudes historiques et aux défis socio-économiques persistants.
Malgré ces défis historiques, l’Éthiopie a réussi à enregistrer des taux de croissance économique parmi les plus rapides du continent au cours des dernières années. L’arrivée au pouvoir d’Abiy Ahmed en 2018 a coïncidé avec le lancement de nombreuses réformes destinées à libéraliser l’économie, attirant l’attention du monde entier sur le potentiel inexploité de ce pays aux ressources naturelles abondantes. Ces réformes ont suscité un vif intérêt de la part d’entreprises étrangères, comme la société kényane Safaricom, qui a obtenu la première licence privée de télécommunications en 2021, marquant ainsi un tournant dans le secteur des télécommunications et ouvrant la voie à d’autres investisseurs étrangers. De plus, le succès de ces initiatives pourrait servir de modèle et d’incitation à d’autres pays africains cherchant à moderniser leurs économies respectives.
Cependant, l’essor de l’économie éthiopienne n’est pas sans défis. Les conflits armés dans plusieurs régions, et notamment la guerre civile qui a ravagé la région du Tigré entre 2020 et 2022, ont provoqué des déplacements massifs de populations et des pertes humaines considérables, compliquant davantage le climat d’investissement. L’impact de ces conflits est aggravé par des considérations telles que la sécurité régionale et la stabilité politique, qui demeurent essentielles pour la confiance des investisseurs étrangers. Par ailleurs, certains investisseurs nourrissent des doutes concernant l’engagement sincère du gouvernement envers une véritable libéralisation économique, craintes exacerbées par l’instabilité politique persistante et un manque de clarté sur les politiques économiques à long terme.
Dans ce contexte complexe, l’initiative de créer une bourse des valeurs représente à la fois un immense espoir pour l’économie éthiopienne, mais aussi un défi de taille pour instaurer la confiance nécessaire à l’investissement privé. Le succès de l’Ethiopian Security Exchange sera observé de très près tant par les investisseurs locaux qu’internationaux, car il reflétera non seulement le potentiel de croissance du pays, mais également son intégration dans une économie mondiale en constante mutation.
Alors que les marchés financiers peuvent souvent être perçus comme un baromètre de la santé économique d’une nation, la capacité de l’Éthiopie à naviguer ces eaux tumultueuses déterminera l’ampleur de son avenir économique. L’avenir de cette bourse sera donc crucial pour définir l’orientation économique de l’Éthiopie dans les années à venir, et son impact pourrait bien se faire sentir au-delà des frontières nationales, promouvant des opportunités de partenariat économique avec d’autres nations et contribuant à une Afrique plus connectée économiquement.