Chaleureusement accueilli au pied du Kremlin, le Président de la Transition malienne, le Général d’Armée Assimi Goïta, a entamé ce 23 juin 2025 une journée diplomatique d’une intensité rare dans les annales récentes des relations entre Moscou et Bamako. Visite officielle, certes, mais surtout étape stratégique dans la construction d’un axe géopolitique résolument Sud-Sud — affranchi des tutelles, des leçons de morale et des agendas postcoloniaux.
Tout a commencé à l’aube, dans la fraîcheur solennelle du Jardin Alexandre. Là, face à la flamme éternelle et aux gardes d’honneur de la Fédération de Russie, le général Assimi Goïta s’est incliné devant la mémoire des soldats tombés pour leur patrie. Un dépôt de gerbe sur la tombe du Soldat inconnu, hautement symbolique, qui en disait long sur le message qu’il portait : celui d’un Mali en reconstruction, conscient du prix du sacrifice et de l’histoire des peuples.
Ce geste, loin d’être purement protocolaire, posait le cadre d’une journée placée sous le sceau du respect mutuel, de la souveraineté assumée, et de la volonté d’inscrire les relations bilatérales dans une dynamique durable.
Le Kremlin comme théâtre d’un dialogue franc
L’après-midi, les dorures du Kremlin ont accueilli le cœur politique de la visite. Vladimir Poutine, fidèle à son style mi-paternaliste, mi-stratégique, s’est adressé au Président malien dans un ton empreint de reconnaissance et d’hospitalité. Il a rappelé les liens historiques — 65 ans de relations diplomatiques, plus de 10 000 Maliens formés dans les universités russes — avant d’évoquer l’avenir : un futur commun à inventer sur les terrains de l’énergie, de la sécurité, de l’économie et des investissements.

Assimi Goïta, dans une sobriété toute militaire, a répondu avec assurance : « Nous reconnaissons l’excellence de notre partenariat avec la Fédération de Russie. Grâce à lui, nous obtenons de bons résultats. »
Mais derrière les sourires officiels et les poignées de main, les discussions ont été concrètes, techniques, et d’une portée géostratégique certaine.
Trois accords qui tracent une nouvelle voie
Le clou de cette journée ? La signature de trois accords majeurs, dans la grande salle de négociation du Kremlin. Premier pilier : la création d’une Commission intergouvernementale russo-malienne sur la coopération commerciale, économique, scientifique et technique. Il s’agit d’une structure agile pour identifier, financer et suivre les projets communs dans des secteurs à fort impact. Agriculture, infrastructures, numériques, tout est sur la table.
Deuxième pilier : un accord énergétique hautement stratégique avec la société russe ROSATOM sur l’usage pacifique de l’énergie nucléaire. Au-delà des réacteurs, c’est l’autonomie énergétique du Mali qui est en ligne de mire. La formation d’ingénieurs maliens, la modernisation du réseau national, et le transfert de technologies en font un instrument de souveraineté bien plus qu’un simple contrat.
Troisième pilier : un accord de principe sur les fondements des relations bilatérales. Derrière le vernis diplomatique, il s’agit d’un pacte politique global : sécurité, formation militaire, fourniture d’équipements, mais aussi appui dans les enceintes internationales. Une manière claire de dire que Moscou et Bamako partagent désormais des intérêts stratégiques communs — et entendent les défendre ensemble.
Un axe qui s’affirme
Dans le contexte tourmenté du Sahel — avec un retrait progressif des anciens partenaires occidentaux et une offensive diplomatique tous azimuts des puissances alternatives —, le Mali de Goïta fait le choix de la diversification, de l’autonomie et de la coopération pragmatique. La Russie, quant à elle, voit dans Bamako une tête de pont vers une Afrique de l’Ouest de plus en plus frondeuse face aux schémas classiques de dépendance.
La visite du 23 juin 2025 aura donc été bien plus qu’un défilé de diplomates et de signatures. Elle aura marqué une inflexion, une confirmation, voire — osons le mot — une bascule.
Dans le silence épais du Kremlin, les mots ont été pesés, les gestes mesurés, mais les intentions limpides. Moscou et Bamako ne se contentent plus de coopérer. Ils construisent, désormais, un partenariat stratégique.
Envoyé spécial depuis Moscou