Face aux tensions économiques et au ralentissement des financements extérieurs, les autorités maliennes de la transition, sous l’impulsion du général d’armée Assimi Goïta, ont engagé un vaste programme d’apurement de la dette intérieure. Présentée comme un levier de soutien au secteur privé et de stabilisation des finances publiques, cette stratégie vise à restaurer la confiance des opérateurs économiques tout en injectant de la liquidité dans l’économie nationale.
Dans un contexte régional marqué par l’instabilité sécuritaire, les tensions géopolitiques, les complots régionaux et internationaux, ainsi que la raréfaction des financements extérieurs, la gestion de la dette intérieure est devenue l’un des enjeux centraux de la souveraineté économique des États africains. Le Mali en a fait un axe prioritaire de son action publique. Les chiffres rendus publics par le ministre de l’Economie et des Finances, Alousséni Sanou, en ce début décembre 2025 témoignent d’une stratégie assumée, celle de restaurer la confiance des opérateurs économiques, soutenir le secteur privé et préserver la crédibilité financière de l’État.
Depuis octobre 2024, les autorités maliennes ont engagé un vaste programme d’apurement de la dette intérieure, notamment celle due aux opérateurs économiques. En un an, le stock de cette dette est passé d’environ 600 milliards de francs CFA à moins de 440 milliards à fin 2025. Dans le même intervalle, l’État a procédé à des paiements cumulés avoisinant 1 654 milliards de francs CFA. Un effort budgétaire rarement observé dans un pays confronté simultanément à des défis sécuritaires majeurs et à une contraction des appuis budgétaires extérieurs.
Une dette intérieure au cœur de l’économie réelle
La dette intérieure n’est pas une abstraction comptable. Elle concerne directement les entreprises locales, les fournisseurs de l’État, les établissements scolaires privés, les structures sanitaires, les acteurs du BTP ou encore les opérateurs du secteur de la défense. Son accumulation prolongée fragilise la trésorerie des entreprises, freine l’investissement, bloque l’accès au crédit bancaire et, in fine, ralentit la croissance.
En s’attaquant frontalement à cette dette, les autorités maliennes de la transition font le choix d’une stabilisation par l’économie réelle. À la date de décembre 2025, près de 342 milliards de francs CFA de dette concernent les opérateurs économiques, dont une part significative de mandats en souffrance depuis plus de 90 jours. Le programme spécial annoncé prévoit le paiement prioritaire des mandats de 2023 et 2024, ainsi que des règlements ciblés sur 2025 pour des projets structurants : routes, infrastructures hospitalières, éducation, indemnités et dépenses liées à la défense.
Injecter de la liquidité, restaurer la confiance
Au-delà du désendettement, l’enjeu est macroéconomique. Injecter plus de 300 milliards de francs CFA en trois mois dans le circuit économique revient à soulager les entreprises, relancer la demande et redynamiser le système bancaire. Dans un pays où l’accès au financement reste contraint, cet afflux de liquidités constitue un levier essentiel de résilience économique.
Cette politique vise également à restaurer la confiance. Celle des opérateurs économiques, souvent éprouvés par les retards de paiement. Celle des banques, dont l’exposition aux créances publiques conditionne la distribution du crédit. Celle, enfin, des investisseurs, pour qui la capacité d’un État à honorer ses engagements est un signal déterminant.
Les autorités de la transition, par ce geste, font comprendre que malgré les sanctions passées, les ruptures diplomatiques et les pressions financières, le Mali n’a jamais fait défaut sur le marché régional. Cette constance contribue à préserver la signature financière du pays et à maintenir un accès, certes coûteux mais réel, aux ressources du marché.
Une stratégie inscrite dans la durée
L’apurement de la dette intérieure ne se limite pas à une opération ponctuelle. Il s’inscrit dans une dynamique plus large de réformes, notamment dans le secteur minier, avec le nouveau Code minier et son Contenu local en 2023, censées renforcer la mobilisation des ressources internes. L’objectif des autorités de la transition est la réduction progressive de la dépendance aux financements extérieurs et renouer, à terme, avec des appuis budgétaires sur des bases renouvelées.
Pour l’exercice 2025, les efforts de paiement de la dette intérieure atteignent déjà environ 1 302 milliards de francs CFA à fin novembre, selon le directeur national du Trésor et de la Comptabilité publique du Mali, Siaka Samaké. Les autorités affirment vouloir maintenir un rythme soutenu, réduire les délais de paiement au Trésor et soutenir durablement le secteur privé, considéré comme un pilier de la stabilité économique et sociale, a-t-il rassuré tout en indiquant l’engagement indéfectible de ses services dans cette dynamique.
Un pari politique et économique
Ce choix n’est pas sans risques. Il suppose une discipline budgétaire stricte, une hiérarchisation rigoureuse des dépenses et une capacité à absorber les chocs exogènes. Mais il traduit aussi le pari politique de faire de la crédibilité financière et de la solidarité économique des leviers de souveraineté.
Dans un contexte où la tentation est grande, pour certains États en crise, de différer les paiements ou de sacrifier le secteur privé, le Mali fait le choix inverse. Apurer la dette intérieure, c’est reconnaître que la stabilité ne se décrète pas seulement par la sécurité, mais se construit aussi par la confiance économique. Une leçon qui dépasse les frontières du pays et mérite d’être observée de près.


