dimanche, 25 mai, 2025

AVANT- PROJET DE LA NOUVELLE CONSTITUTION AU MALI: Les OBSERVATIONS DE MAITRE TIDIANI GUINDO PRESIDENT DE L’AMD

Je commence mes propos en adressant mes vives félicitations au Président et aux membres de la Commission chargée d’élaborer une nouvelle Constitution pour l’effort accompli dans cette tâche. Cependant, après lecture de l’avant-projet, j’ai tenu à leur adresser quelques observations qui permettront, si elles sont prises en compte, de réaffirmer notre souveraineté nationale et d’éviter qu’on copie les pratiques institutionnelles en cours dans certains pays comme la France ou les États-Unis.

En effet, au niveau du Préambule, il serait important d’inscrire clairement notre attachement  aux  principes  énoncés  dans  la  Charte   de   FOUROUKAN   FOUGA proclamée en 1236.

L’objectif recherché ici c’est de montrer au reste du monde que, pour nous, cette charte a les mêmes valeurs juridiques que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 ou tout autre texte équivalent.

Après, le Préambule, l’article 31, tel qu’il est énoncé, doit être légèrement modifié pour mieux valoriser nos langues nationales. Les rédacteurs semblent écarter toute possibilité qu’une de nos langues nationales devienne un jour une langue officielle. Pour eux, seule une langue étrangère pourrait devenir une langue d’expression officielle. En toute sincérité, le fait de ne concevoir, en République du Mali, une langue officielle qu’en terme de langue étrangère, n’est pas compatible avec le combat que nous menons actuellement contre le néocolonialisme. Dans ce cas, il convient de reformuler l’article 31 en ces termes : « …L’État peut adopter, par la loi, toute autre langue nationale ou étrangère comme langue d’expression officielle. ». Des efforts doivent être consentis pour que le BAMBARA (ou sous appellation Mandingue), par exemple, soit érigé, à côté du Français, comme langue d’expression officielle.

Concernant l’Article 36, il faut noter que la COUR CONSTITUTIONNELLE, en tant qu’institution à part, est une invention française qui est apparue pour la première fois dans la Constitution française de 1958, Constitution en vigueur actuellement. A part l’espace francophone, cette institution, appelée aussi Conseil Constitutionnel, n’existe quasiment nulle part dans le monde. Elle a d’ailleurs été source de problèmes que de solutions pour nos États. Je rappelle aux Maliens que cette Cour Constitutionnelle n’est apparue au Mali que dans le sillage de la Constitution de 1992, qui n’est qu’une pâle copie de la Constitution française. A mon avis, la Cour Constitutionnelle doit disparaitre de la liste des Institutions et être rattachée tout simplement à la COUR SUPREME.

Une autre institution, pure création française et n’existant presque pas que dans l’espace francophone, c’est le Conseil Économique, Social, Culturel et Environnemental. Cette institution doit disparaitre dans le cadre du MALI-KURA et être remplacée par le HAUT CONSEIL DE LA NATION. En effet, cette nouvelle institution, qui est un SENAT déguisé, doit plutôt devenir une institution de la République, équivalente du Conseil Économique, Social, Culturel et Environnemental, qu’une deuxième Chambre du Parlement.

A l’heure des économies budgétaires, le rattachement de la COUR CONSTITUTIONNELLE à la COUR SUPREME et la suppression du Conseil Économique, Social, Culturel et Environnemental et son remplacement par le HAUT CONSEIL DE LA NATION, qui ne sera plus l’équivalent d’un Sénat, soulageront les finances publiques nationales.

Concernant l’Article 39, la réduction du nombre des Partis politiques doit être suggérée sans remettre en cause le multipartisme intégral. Ainsi on pourrait ajouter : « … Tout Parti  politique  doit  obéir  à  une  idéologie  clairement  définie  dans ses statuts. Les Partis  qui  partagent  les  mêmes  idéologies  doivent  se  regrouper  au sein d’une formation politique unique… ». Avec cette formulation, le financement des Partis sera destiné à des regroupements politiques sur une base idéologique et les petits Partis opportunistes vont disparaître petit à petit, car n’ayant aucune assise idéologique.

L’article 42 doit codifier la souveraineté de l’État sur ses ressources naturelles. Ainsi, il convient de rajouter que : « … Toute exploitation des ressources naturelles en République du Mali n’est possible qu’avec la participation de l’État ». Cela permettra à l’État de tirer plus de profits de ses ressources naturelles et de sortir un peu plus du CONSENSUS DE WASHINGTON qui est à la base de la libéralisation sauvage de nos secteurs économiques.

Dans l’Article 45, cette volonté de limiter définitivement les mandats présidentiels à deux, est anti-démocratique. L’ancienne formulation qui disait que NUL NE PEUT EXCERCER PLUS DE DEUX MANDATS SUCCESSIFS doit être maintenue. Elle exclut déjà tout risque de tentative de 3ème mandat. La preuve, nul n’a fait un 3ème mandat au Mali, malgré les rumeurs. Donc, nul besoin d’en rajouter. Sanchez que l’histoire des Nations est fluctuante. Le Mali peut se retrouver dans une situation où un ancien Président pourrait être amené à se représenter plusieurs années après avoir accompli un ou deux mandats et s’être retiré en respectant la Constitution.

L’Article 46 mérite clarification concernant la double nationalité. Cet article doit disposer que ; « Nul ne peut être candidat à l’élection présidentielle en République du Mali s’il possède une nationalité autre que celle du Mali. ». Cette nouvelle formulation met fin à toutes les spéculations sur la double nationalité d’un futur Président de la République du Mali et si durant son mandat, il est découvert que le Président de la République a caché au peuple malien sa double nationalité il doit être déchu de ses fonctions et traduit en justice pour parjure et tromperie.

L’Article 46 doit aussi comporter cette formulation : « Nul ne peut être candidat à l’élection présidentielle en République du Mali s’il se trouve dans  les  liens  de  la justice pour des faits pouvant aboutir à une déchéance des droits civiques ou de mandat électif, ou s’il a été condamné ou soupçonné de corruption  ou  de détournement des fonds publics sauf s’il a bénéficié d’un non-lieu ou s’il a  été innocenté par une juridiction étatique ». Cette nouvelle formulation, si elle est retenue, mettra le Mali à l’abri de l’élection d’un candidat corrompu à la tête de l’État et forcera les hommes politiques à être plus vertueux.

Par ailleurs, la limitation d’âge doit être écartée. En effet, dans un État démocratique, seul le suffrage des électeurs doit limiter les ambitions des futurs candidats. N’oubliez pas que certains candidats sont élus pour la première fois au-delà de 75 ans et dans d’autres pays des candidats de moins de 35 ans ont été choisis par les électeurs.

En ce qui concerne l’Article 50, la partie Cour Constitutionnelle doit être remplacée par la COUR SUPREME ou la Section Constitutionnelle de la COUR SUPREME.

ARTICLE 55 : « Le Président élu prête serment devant la COUR SUPREME.

Il prête serment la main gauche levée ou sur le cœur  et  la main droite sur  le Coran,  la Bible ou tout autre livre saint de sa confession religieuse. S’il n’a aucune croyance, il se contentera de prononcer le serment la main  droite  levée…».  Ce  rajout  est nécessaire dans le contexte actuel sans remettre en cause la laïcité de l’État.

A mon avis les articles 56 et 61 doivent disparaître. Ils n’apportent rien à la lutte contre la corruption ni à la transparence. Nous devons être pragmatiques.

Les articles 72 et 73 doivent être revus.

Si le principe de la destitution du Président de la République est acté, il convient de revoir les crimes et les délits retenus et les modalités de la mise en route de la procédure de destitution. Le texte présenté sur cet aspect me paraît flou et inadapté tant il reflète les pratiques institutionnelles américaines et françaises combinées.

L’Article 74 me paraît insensé. On ne peut pas fixer dans une Constitution le nombre des membres d’un gouvernement pour la simple raison que la formation d’un gouvernement relève de la prérogative du Président de la République, selon sa volonté et les réalités politiques et selon les besoins du moment. Vouloir limiter cela, c’est priver le Président de la République de sa liberté de gouverner selon le programme pour lequel il a été élu. Cet article doit disparaître.

L’Article 78 est un copier-coller des pratiques constitutionnelles françaises et américaines. Il faut trouver d’autres formulations et surtout si nous renonçons à faire du Haut Conseil de la Nation un Sénat comme prévu. La référence à des discours sur l’état de la Nation devant le Parlement est une invention américaine, reprise par la France pro-atlantiste. Nous pouvons nous en passer.

Mes observations sont liées à ma volonté de m’inspirer des premières autorités maliennes postcoloniales qui avaient comme souci de décoloniser nos textes de loi, en faisant appel à notre génie créateur, dotant ainsi le Mali des textes originaux en lien avec nos réalités historiques et socio-culturelles. Or, je constate aujourd’hui que cet effort de créativité intellectuelle est un peu émoussé. Certains articles de cet avant-projet de constitution copient allégrement la Constitution française. Cela ne peut nullement constituer un progrès, comme certains tentent de nous en convaincre. Le progrès c’est ce que notre esprit créateur aurait fécondé en tenant compte des réalités historiques de notre Nation et que nous proposons sans complexe à notre peuple.

Maître Tidiani GUINDO

Président de l’Alliance  Mali  Dambe (AMD) Avocat à la Cour d’Appel de Paris

Docteur en Droit et Économie Diplômé en Droit de l’Énergie,

Des infrastructures et Financement des Projets

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